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ÇA IRA !
Cela est parfaitement vrai. Mais il est
également vrai que l’argent ne peut rien,
que l'argent est impuissant absolument.
Il ne peut allumer le moindre amour ni
faire étinceler la beauté de la moindre
étoile, ni provoquer une émotion pure, ni
faire éclore la moindre action noble. Les
pouvoirs créateurs, les puissances mer
veilleuses qui soutiennent le monde et
l’enrichissent se manifestent tous en de
hors de la sphère sèche et stérile où règne
l’argent. Il ne peut acheter que le simu
lacre de ces forces, mais non pas ces
forces-mêmes ; il ne peut acheter que le
semblant de l’amour, l’apparence de
l'intérêt, l’imitation de la beauté et la
fausse élévation.
Le théâtre fait partie de la société
capitaliste, en est une institution perma
nente au même titre que la Banque et
la Bourse, les Entrepôts et les Maisons
de Tolérance, Celui qui veut vouer son
activité à la réforme du théâtre doit se
rendre .dans la sphère du capitalisme et
plus il sera soutenu par celui-ci plus se
ront grandes les choses qu’il accomplira
dans les limites du cercle ou l'argent
règne en maître. Il pourra , bâtir de
grandes salles richement décorées; le
travail, le talent, les dons, le goût et
l'intelligence de ceux — des milliers —
qui travaillent pour le capitalisme : com
positeurs et poètes, chanteurs et acteurs :
musiciens et danseuses ; régisseurs et
et décorateurs ; seront à sa disposition.
Tout cela peut s’acheter au moyen d’ar
gent. Mais il ne pourra acquérir la pure
et douce émotion qui réunit les éléments
des paroles et de la musique, de la danse
et du geste, de la mimique et de la
plastique et en construire l’image de ce
que l’esprit humain renferme de plus
grand et de plus noble. Et il n'achètera
pas l’attention émue par laquelle les in
dividus assemblés verront en frissonnant
se confondre leur âme avec la plus idéale
manifestation de l’âme collective.
Tout l’argent de la terre ne peut
inspirer la création de quelques lignes
de pure poésie. Comment serait-il alors
possible que le capitalisme produisit
la tragédie, l’œuvre d’art la plus élevée,
qui ne nait que lorsque la communauté
humaine est tellement consciente de son
unité, lorsque l’individu reconnait si
fièrement, et en même temps si humble
ment, sa force et ses limites, que le génie
créateur trouve tous les éléments du
drame réuni déjà par une harmonie
intérieure et rangés en hiérarchie disci
plinée, au moment où il se prépare à
recréer cette conscience et cette con
naissance en une image idéalisée de la
vie.
Tout l’argent de la terre ne peut pas
accorder une seule âme au ton pur du
recueillement. Comment le capitalisme
aurait-il la force d'éveiller dans la mul
titude, mécanisée et vide d’âme, le beau
désir et le noble état d’esprit que l’œuvre
d’art réfléchit avec un éclat adouci,
éclairci, immatériel, tel un paysage réflé
chi par une nappe d'eau. La vraie réfor
me de l'art dramatique ne peut venir que
du dedans, c’est-à-dire par l'action des
forces idéelles et sociales. Ni l'argent,
ni le zèle, le talent et l’énergie ne réveille
ront la tragédie d’entre les morts ; seule
une nouvelle conscience de l’humanité,
une nouvelle connaissance de la gravité
et de la sainteté de la vie peuvent ac
complir ce miracle, cette conscience et
cette connaissance naissent en nos jours
sur la terre dans les idéaux socio-reli