167
ÇA IRA !
Guimauve
A mon âmi Willy Koninckx,
La petite commune de Landerneau
était en proie à une profonde jubilation.
Depuis la rue de la Station jusqu'à la
place du Marché, des mâts avaient été
dressés ; le ; long de la voie publique.
Tous les balcons étaient fleuris, et les
drapeaux déployaient sur les façades les
plus vives couleurs. Un beau soleil d'été
participait à l'allégresse des habitants.
Les cloches de l’Eglise paroissiale de
Saint Gédéon sonnaient à pleine volée.
On tirait le canon. C'était un jour
de fête nationale. ; Le garde-cham
pêtre qui par surcoît cumulait les fonc
tions de facteur et de pompier l’avait
annoncé la veille à la population.
Jamais les annales de Landerneau
n’avaient enregistré un solennité aussi
éclatante. Landerneau fêtait sa résurrec
tion» Cette vaillante petite commune
dont l’histoire avait été si navrante était
parvenue à briser l’hégémonie des
Hurons. Elle était rendue enfin au
duché de Zébrovie dont elle avait été
odieusement séparée il y a plus d’un
siècle Ainsi en avait décidé le sort
des armes.
C'était un pavoisement inoui. Un
peuple bruyant fourmillait dans les rues.
Des groupes stationnaient devant
une proclamation rédigée en Zébrovien.
Le conseil communal s’était réuni en
séance plénière et avait adopté à l'una
nimité un crédit extraordinaire, en vue
d'organiser les réjouissances publiques.
Les bureaux et les écoles étaient
fermés et la visite d’un représentant du
gouvernement zébrovien achèverait de
donner à la manifestation le caractère
solennel qu’elle devait comporter. A
midi le cortège des sociétés patriotiques
s’était formé. La population était massée
sur le bord des trottoirs pour voir défi
ler les bannières. Les privélégiés étaient
suspendus en grappes aux balcons ; tan
dis que les gamins de Landerneau
s’épanouissaient en thyrse au haut des
réverbères. Un détachement de boy-
scouts assurait le service d’ordre avec
un sens précoce de la discipline mili
taire. Les petites Landernoises roulèrent
des yeux blancs d'admiration lors
qu'elles virent apparaître les gendarmes
qui caracolaient, le sabre au clair, sur
leurs coursiers.
Dans la fièvre des préparatifs de la
veille on avait dressé, sur la place du
Marché, une estrade sur laquelle vinrent
se grouper, à droite et à gauche, les
filles et les garçons de Landerneau. Les
chœurs entonnèrent une cantate, ap
puyés par les accents vibrants de la fan
fare commmunale. Dans la tribune réser
vée aux autorités, on voyait monsieur
le maire aux côtés du représentant du
gouvernement zébrovien et entouré de
tous les notables de la commune.
Après l'exécution de la cantate, l'émo
tion avait gagné tous les cœurs. Mon
sieur le maire se leva, ceint de son
écharpe tricolore. Oétait l’homme le
plus vénéré de la contrée parce qu’il
avait toujours conservé une foi iné
branlable dans la cause de la patrie.
Il prononça un discours d'une envolée
irrésistible dont voici la substance :
“ Excellence et chers administrés,
Le tyran sous lequel nous avons si
longtemps gémi est vaincu ; notre indé
pendance nous est restituée. Notre