CHRONIQUES
du merveilleux.
Parmi les dictées d’orthographe de mon enfance,
celleque jefisleplus mal dissertait sur le merveilleux
païen et le merveilleux chrétien. Elle était pleine de
grandeur. On m’avait expliqué le sens de ces mots :
j’étais persuadé d’avoir compris. Pourtant où serait
classé Peau d’Ane ? Je l’attendais. 11 n’en fut pas
question. D’un coup ma confiance et la satisfaction
de mon esprit disparurent.
Une inquiétude analogue me reprit hier. Comme
je lisais des journaux de la fin du xvm e siècle, je
rencontrai tour à tour : une Ode à l’Electricité,
six articles sur la fille hydroscope qui exista ou
n’existapas, un poème en trois chants sur l’Education
physique des enfants au berceau, une discussion
scientifique et philosophique sur l’inflammabilité du
cerveau d’un homme mort ivre, le récit de la lutte
entre Franklin et le tonnerre en boule, et comment
celui ci ayant pris un fouet chassa celui-là de sa
chambre, l’avis que contrairement aux dires de
certains savants les filaments brillants trouvés sur
les haricots et que récoltaient avec avidité les paysans
n’étaient pas de l’or, mais le résidu des œufs des
araignées de Hollande, une étude sur les serpents qui
naissent de la moelle des cadavres, surtout de longs
rapports sur Otahiti où l’amour est nu, et le monde
des pygmées.
Sur ces sujets nos ancêtres étaient heureux et
prolixes. Ils créaient un monde fantasque d’êtres