ÇA IRA !
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Quelques directions
Plusieurs années avant la guerre déjà,
on avait pu voir se dessiner un certain
mouvement d'émancipation des masses,
que nous craindrions pourtant d’appeler
révolutionnaire. Et que ce mouvement
n’ait, jusqu’à nos jours, point trouvé
d’expression bien forte n’a rien qui nous
doit étonner beaucoup. Prolétariat
conscient, dans nos pays, est un mot :
* le peuple, chez nous, ne vivait pas dans
ce qu’on peut appeler “ la misère
noire,,, et le bien-être — tout relatif .—
dont jouissait la classe des travailleurs,
avait endormi en elle l’esprit de révolte
et, avec lui, l’espoir d’une révolution
pouvant apporter un brin d’équité dans
nos rapports sociaux. L’idéalisme de
Karl Marx —- pour ne point parler de
Bakounine, qu’on s’obstine à vouloir
oublier — ne vivait plus que dans les
phrases ronflantes, — et creuses, com
bien souvent ! — des chefs du parti dit
socialiste.
Survint la guerre. Nous avons pu
constater quelle était la réelle valeur
des déclarations les plus solennelles.
Et de tout ces grands mots, souvent
pris au hasard, dont le socialisme officiel
aimait à faire un usage aussi fréquent
qu’abusif. Les parlementaires et autres
en qui les hommes de pensée libre avait
pu mettre quelque espoir, se hâtèrent de
jeter aux orties leurs théories les plus
sacrées de jadis pour entonner à pleine
voix l'hymne de l’union sacrée, et faire
ceindre l’épée guerrière à leur idéal
révolutionnaire. Les brebis, aveugle
ment confiantes en leurs bergers, se
laissèrenr très docilement conduire à la
boucherie du " champ d'honneur „, et
bravement s’entre-canardèrent.
Et la guerre finie, l’ivresse passée, le
réveil fut terrible, pensez-vous ? Les
masses prirent leur revanche ? Mais
non, voyons !
De ceux qui ont réellement vécu en
première ligne, beaucoup ne sont point
revenus. Une mère, par-ci par-là,
peut-être, pleure son fils encore... Mais
il ne faut pas devenir romanesque : ils
sont morts ceux-là ; ce sont “ ceux qui
pieusement sont morts pour la patrie ,,,
et dont le père exhibe avec vanité les
croix de guerre ou de fer, mais s’obstine
à ne pas voir la croix de bois. Ce sont
ceux enfin dont les fiancées auréolées
portent le deuil (au figuré, évidemment),
tout en allant danser le dernier tango
dans un bar de nuit. Ils sont morts,
ceux-là... Requiescant in pace, et qu’on
n’en parle plus onc...
Et combien n’y en a-t-il pas pour qui
la guerre a été une aubaine inespérée i
Fils de bourgeois, bel uniforme, force
galette envoyé par papa peur le fils qui
est “ sous les drapeaux „, succès innom
brables auprès des plus jolies femmes...
La guerre, en somme, n’était point bien
terrible pour ceux-là : ils étaient fils de
bourgeois, eux...
Et les ouvriers ? Les humbles ? Beau
coup l’ont faite, la guerre capitaliste,
dans les tranchées boueuses... Mais com
bien donc n'ont pas trouvé à " se caser,,
dans les fabriques de munitions, dans
une de ces usines multiples qui devaient
fournir du matériel nécessaire ces armées
immenses. Grassement rétribués (alors
que les véritables soldats touchaient
quelques centimes) ils se mettaient, de
temps à autre, en grève pour obtenir
une augmentation de salaire, estimant
A