L’ŒUF DUR
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mais para bravement l’attaque : les propositions de Spinoza
sur l’immortalité impersonnelle se déroulèrent, amples et graves.
Jean sentit bien que la lumière de son moi n’était plus qu’une
flamme de bougie consumée, mais il eut la force de comprendre
que la flamme mourait faute de la santé des nerfs non faute
d’elle-même. Sa pensée restait entière si ses moyens d’action
étaient immolés à l’étrangère, et c’était tout. D’un œil passif et
superbe, Jean vit avec résignation l’étrangère poursuivre le
ravage de son individualité. — La scène de la caronnade décrite
par Victor Hugo dans Quatre-vingt-treize se renouvelle, mais plus
dramatique que sur la corvette anglaise. La caronnade qui détruit
aujourd’hui ce n’est plus en effet une ferraille sans doute aveugle
mais matérielle et précise. C’est une puissance mystérieuse et
fluide... Et ce n’est pas la Claymore que la caronnade piétine,
mais le mécanisme qui était le seul instrument de toute iine
âme...
Jean va succomber : des éclairs de mysticisme l’atteignent :
la lèvre balbutie des prières d’enfants ; des souvenirs de pèle
rinage le hantent victorieusement. Roc-Amadour. Il revoit le
monastère piqué — fanal spirituel gigantesque — au sommet
d’une déchirure du Causse rabougri, rocailleux et primitif
comme un Mantegna ; avec quelle ferveur il s’agenouillera
humblement sur les marches de pierre si la Vierge noire fait
chasser l’étrangère... Mais non ! Jean s’indigne ; car il sait bien
que c’est l’étrangère qui souffle à son aimable scepticisme et à
sa foi tolérante et douce ce fanatisme troublant parfumé des
senteurs gluantes des cierges mortels.
Sur la table de toilette, le savon à barbe se crispe et la brosse
à dents vagit comme un nouveau-né mécontent : Jean sent
la bataille échapper à sa volonté ; alors il essaie de fredonner
une chanson pleine de vie et de fortes femmes, un air de Bruant
par exemple, mais sa voix rend un son glauque et triste : un
magnificat essoufflé ahanné par un bedeau octogénaire.
La bataille se poursuit : l’étrangère insiste sur sa victoire facile :
libérés, les souvenirs des heures d’amour inquiet reviennent en
foule pour jouir de la détresse de leur maître. Petit Jean qui
jadis ivre de vie jouais insouciant à la pirouette rapide, qu’es-tu
devenu à cette heure ? Je te vois baver, baver voluptueusement
dans un mouchoir brodé couvert de papillons qui symbolisent
une liaison brève et exaspérée. Oh ! petit Jean : pourquoi main
tenant cet amusement ignoble d’écouter les glous glous convulsifs