DEUX SOLITAIRES 177
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curait du travail, surtout on pensait à
elles, on le leur montrait ; et, voyez-vous,
l’homme — ni la femme — ne vit pas seu
lement de pain ; il a besoin de savoir qu’on
est là près de lui, qu’on le regarde, qu’on
le plaint. Autrement, c’est la solitude : on
meurt de solitude comme on meurt de
faim ; et c’est peut-être encore plus triste.
Mais ces deux-là, cette vieille veuve et sa
tille infirme, sa tille aux jambes paralysées
depuis son enfance, depuis que jadis on
l’a envoyée à Berck, avec les pupilles de
la ville de Paris, deux ans de suite, et sans
résultat ! Comment ont-elles vécu, pendant
ces cinquante-deux mois, et comment peu
vent-elles continuer à vivre, à cette heure
où tout est si cher ? Elles n’ont jamais
touché « l’allocation », elles ne pouvaient
pas aller aux usines. La mère ne veut pas
quitter sa tille, cette pauvre invalide qui
va aujourd’hui sur ses vingt-cinq ans, et
qui demeurera infirme jusqu’au jour de
sa mort. Elles ont même dû continuer à