DEUX SOLITAIRES
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vous, il n’y a pas beaucoup d’air rue
Payenne, et on n’est pas des millionnaires,
n’est-ce pas, pour se payer des promena
des en voiture ! Pourtant, je ne les ai
jamais entendues se plaindre, et il y a tou
jours eu trois sous, le matin, pour le jour
nal. Nulle part, dans toute la France, on
n’a espéré la victoire plus ardemment que
chez ces deux humbles femmes, on n’y a
cru avec plus de mystique ferveur ; et elles
ne sont jamais descendues à la cave, pen
dant les bombardements. Elise ne pouvait
pas, avec ses jambes, vous comprenez, et
M me Blin n’aurait pas voulu la quitter,
c’est naturel.
Moi, je vous le dis, ce que je n’arrive
pas à concevoir, c’est quelles soient encore
de ce monde. Cependant elles ne sont ja
mais mélancoliques ni mécontentes de
l’univers, quand je vais les voir, le diman
che matin, à l’heure ou M roe Blin rentre
de la messe, qu’elle va entendre à Saint-
Paul, et qu’elle revient avec les provisions.