DEUX SOLITAIRES
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pays merveilleux ! Cela me plaît de savoir
qu’il existe quelque part, ce monde-là. Si
l’on me disait qu’il a disparu de la terre,
que tout le monde maintenant vit de la
même façon, il me manquerait la seule
chose que je puisse posséder, la joie de
m’imaginer. Je ne sais pas à quoi je pour
rais me raccrocher, à quoi je pourrais m’in
téresser. A moins de m’efforcer de songer
que je ne vis plus aujourd’hui, mais dans
le temps passé, quand tout cela était...
— C’est vrai, dit M me Blin, qu’est-ce qu’il
lui resterait, si elle savait que tout le monde
vit comme nous, pas mieux ?...
Le colonel Lessingham est un brave
homme. Il avait les larmes aux yeux. Pour
moi, en ma qualité de bourgeois, j’esti
mais heureux qu’il y eût des pauvres de
cette sorte ; en ma qualité de dada, je trou
vais ces femmes stupides.
— Mais il y a les autres, les socialistes
des villes ?
— Croyez-vous, lit doucement M. Coste-