TRISTAN TZARA
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cause de la difficulté que j’ai à m’expliquer comme je voudrais. Mais
la sincérité n’est pas possible, car parallèlement à un sentiment décrit,
que de réactions contraires cherchèrent à se frayer un chemin et furent
avalées par ce tonneau de Tantale, l’oubli à la gueule sans fond!
Mon impuissance à me substituer à la personne qui par sa vie
compliqua la mienne, pour me juger avec plus d’indépendance, me suffit
pour que je me déteste moi-même, que je méprise mon égoïsme. Il me
manque la distance entre les personnages et les événements qu’ils ont
suscités. Ma critique n’est pas objective. Mes lecteurs ne pourront jamais
me suivre. Et pourtant : n’ai-je pas des moments d’humilité pendant
lesquels je sais que n'importe quel agissement, on a eu raison de le
pousser à l’extrême, et que de tous les maux qu’on m’a fait subir,
je suis la cause et l’élégant animateur.
Il y a, tout au long de ce récit, de regrettables fissures de la mémoire.
Je ne puis plus suivre le cours mystérieux que prit la jalousie pour
dessiner sa courbe insinuante. Jaillie spontanément des plis terreux de
la mémoire, par petites quantités, comme des sources d’eau, elle augmenta
et devint fleuve impétueux. Nous nous trouvons encore sur son parcours,
avant qu’il ne se jette dans l’océan, cette fosse commune, la confusion,
qui engloutit sans distinction les passions antiques, les réactions abjectes
et les fins cruelles.
A l’époque où je connus Mania, toute ma candeur consistait à
me laisser aller sur la route normale de mon caractère. Je ne pouvais
pas m’imaginer une autre pureté que celle de ne m’opposer aucun refus.
Je suis donc certain que si ma jalousie jaillit avec tant d’intensité, c’est
parce que l’idée primitive que je me faisais de l’amour fut intimement
liée à celle de la possession. J’aime affirmer avec orgueil que je ne