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Je m’engageai dans un couloir très étroit aux parois duquel étaient
fixées face à face deux rangées de mannequins représentant des
femmes dans des costumes divers, la plupart fort légers, et dont les bras
étaient articulés et munis de gants de boxe. A côté de chaque manne
quin, une petite fente, semblable à celle des distributeurs de chocolat
Menier, et cette inscription sur émail :
Pour Boxer
METTEZ DIX CENTIMES
Je choisis une brune dont les jambes étaient vêtues d’un maillot
rose et le buste d’un corsage rouge retenu aux épaules par de minces
bretelles de soie, et je glissai mes deux sous. Je reçus aussitôt une vio
lente volée de coups de poings. Je commençai à me repentir de mon
imprudence et je tentai de fuir sans riposter. Mais les bras des man
nequins voisins sortirent immédiatement de leur immobilité et se
mirent à me bourrer de horions. Je me démenais comme un beau
diable, frappant à mon tour mes adversaires qui semblaient insensibles,
lorsque le mannequin que j’avais provoqué le premier, allongeant
ses deux jambes et s’appuyant du dos à la paroi du couloir,
m’appliqua ses pieds si fort sur le ventre que je me trouvai
pris entre eux et la paroi opposée comme dans un étau. Mes
ennemis m’auraient assommé, si, d’un effort prodigieux, je ne m’étais
dégagé. Je voulus d’un bond sortir de leur cercle, mais je butai et
j’entraînai dans ma chute le mannequin rouge et rose. Il m’enlaçait
étroitement et nous nous débattions à terre de telle sorte que nous
mimions assez exactement l’amour. Je me remis à frapper. Sous mes
coups le mannequin devint femme. Mes poings faisaient résonner ses
côtes et mâchaient sa chair. Elle hurlait mais ne cédait point. Ce com
bat corps à corps commençait à exciter singulièrement mes sens. Un
instant après continuant à lutter, nous nous accouplâmes. Alors je me
mis à la serrer entre mes bras avec une telle puissance que je la sen
tis bientôt rendre le dernier soupir. J’essayai de me dégager, mais ses
bras m’emprisonnaient.
Max Morise.