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Mais, nous explique-t-on, le jury ayant
1200 toiles à examiner et ne pouvant en ad
mettre que 300, il lui était impossible de
satisfaire tout le monde. Et entre un portrait
de Matisse et une composition de M. Samuel
De Vriendt ou un paysage de M. Léopold
Haeck, il n’y avait pas à hésiter un seul instant,
n’est-il pas vrai ?
❖
* *
Si, en ce qui concerne la peinture, le jury
a fait preuve d’une stupidité égalée seulement
par son dégoûtant esprit de camaraderie, cela
n’est cependant rien en regard de la sélection
qu’il a opérée pour constituer la section de
sculpture : celle-ci est en dessous de tout. A part
l'admirable Vierge folle de Rik Wouters, qui
contient en germe toute la sculpture expression
niste, on n’y voit que des bustes de curés béats
et de généraux satisfaits, alternant avec de
vastes groupes en plâtre du genre “ Kolossal
pitoyables de nullité. G.M.
U Après-Midi d'un Faune
(Six linos de H. van Straten).
Je suis persuadé que van Straten n’a pas conçu les
six dessins qu’il vient de réunir en un élégant porte
feuille, comme devant être une transposition plastique
du poème de Stéphane Mallarmé: La poésie imma
térielle et presque métaphysique de celui-ci ne saurait
être “ réalisée „ graphiquement sans perdre son sens
profond. Les éléments subtils et mystérieux qui la
composent ne se laissent pas enfermer dans le cadre
trop précis d’un dessin et il serait puéril, de la part
d’un peintre, de vouloir compléter — avec des moyens
qui lui sont propres — l’œuvre mystique de cet
individualiste absolu.
Je veux donc croire que van Straten n’a choisie la
divine “ églogue „ de Mallarmé qu’en tant que prétexte
à une série de dessins originaux qui ne prétendent
nullement en illustrer le texte. Et, cette réserve faite,
nous pourrons les admirer avec une joie d’autant plus
grande, que leur audacieuse apparition vient heureu
sement rompre la platitude des manifestations arti
stiques de notre Béotie.
van Straten possède un talent d’une remarquable
indépendance et il s’en sert avec une maîtrise parfaite.
Ses linos se distinguent non seulement par leur
souple élégance, mais aussi par leur intensité d’expres
sion, bien qu’elles soient presque entièrement des
sinées au trait et que l’auteur néglige ainsi les faciles
effets d’opposition de noirs et de blancs. Quelques
lignes nerveuses mais assurées lui suffisent pour faire
surgir les corps des naïades qui palpitent entre les
mains avides du Faune, déguisé en arlequin, ou qui se
délivrent de ses bras et fuient éperdument devant lui.
De légères touches de couleur verte ou mauve, dispo
sées avec beaucoup d’art, rehaussent l’harmonie de
chaque composition et en font de petits tableaux,
dont la délicatesse ne manque cependant ni de
caractère, ni même d’un certain dynanisme.
J’espère vivement que M. van Straten nous per
mettra bientôt d’apprécier son art d’une façon plus
complète et qu’une exposition de ses œuvres viendra
nous renseigner sur les différents aspects de son beau
talent. GJVL
Les Livres
Le don de ma mère par Noël Garnier
(Ernest Flammarion, Paris).
Henri Barbusse préface ce recueil. 11 nous
présente un poète de vingt-cinq ans, *’ sous-
officier, puis officier de chasseurs qui a conquis
en première ligne tous les honneurs et tous
les rubans, et qui, depuis, s’est imposé à la
foule par l’éloquence de son apostolat
humain „. “ Un des beaux livres vrais de la
guerre, ajoute-t-il. Dans le livre, la vision du
cataclysme sort par lambeaux de l’émotion et
de la tendresse. „ Ainsi lancé, Noël Garnier
ne peut que parvenir. Voyons com’ ien cet
éloge est surfait, et n’oublions pas qu’une
préface est généralement une excuse T /oire le
seul attrait d’une œuvre.
L’auteur dédie son travail à sa mère, qu'il
vénère, et qu’il a perdue étant jeune. Pendant
la guerre, dont il a compris toute l’horreur, il
pense souvent à elle, et lui voue ses doulc .irs,
ses faiblesses. Il souffre des spectacles terribles
qu’il voit, des idées funèbres qui l’assaillent,
des doutes qu’il connaît. Et l’image idéale de