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ÇA IRA !
les précieuses qualités impressionnistes ne
purent être niées par le jury — malgré toute
l’envie qu’il eût pu avoir de les refuser
“ quand-même „, par principe... Et c'est ainsi
qu’à défaut du vaste ensemble nouveau que
nous avions espéré, nous dûmes nous contenter
de revoir — dans le coin où on les a reléguées —
la figure si expressive et d'une belle unité de
coloris de Jespers (Le Miroir vert, 1917) ainsi
que la nature morte, d’une rare distinction, de
Paul Joostens (une toile qui date de plus de
sept ans ! )
Certains critiques, qui se flattent d’avoir des
idées larges, ont cru bon de blâmer cette atti
tude de nos peintres d’avant-garde, prétendant
qu’elle constitue un reniement de leurs prin
cipes. Ils omettent évidemment de dire
— peut-être l’ignorent-ils — que ces toiles ont
déjà été exposées à plusieurs reprises. Et si elles
le sont ici une nouvelle fois, cela ne doit pas
plus nous faire présumer des conceptions
actuelles de leurs auteurs que si elles figuraient
dans les salons de Mossieu Campo. D’ailleurs,
nous sommes persuadés qu’elles peuvent
utilement servir à l’édification d’une grande
partie du public et même de quelques écrivains
dontl’incompétence en matièred’arts plastiques
est par trop flagrante. C’est à notre avis un
acte de grande probité artistique que d’oser
montrer au grand jour une oeuvre dont l’artiste
n’admet plus la tendance, mais qu’il tient
cependant à exposer là où il en a l’occasion, afin
qu’on puisse se rendre compte de l’évolution
harmonieusement logique qu'a subie son talent.
Dans cette même salle, à part une puissante
synthèse de Georges Creten, Eté, où l’on
retrouve les tons flamboyants de Gauguin, nous
n’avons rien remarqué de trànscendant parmi
les natures mortes et les paysages qu’y exposent
les “ jeunes „ du Salon, Van Extergem, Pieter-
celie, Médard Verburgh, Verwest, Jan Cockx,
Londot, Dehoy, Jean Colin, Philibert, Cockx,
Van Tongerloo etc., toiles impressionnistes
dont quelques-unes charment l’oeil par une
facile fraîcheur de coloris.
Ailleurs, nous aimons signaler encore une
peinture assez expressive de De Mets Le
Peintre, deux toiles de Paerels, et surtout les
deux compositions du peintre français Henri
Ottmann, qui constituent probablement le
meilleur envoi. L’artiste y a exprimé de façon
remarquable sa vision originale de deux scènes
dont il nous décrit plus que l’aspect extérieur :
grâce à l’expression du coloris et de certains
détails typiques, grâce aussi à sa facture à la
fois souple et précise, il réussit à mettre en
valeur l’extraordinaire acuité de son obser
vation.
Parmi les autres peintres impressionnistes
dont on peut louer l’habileté à défaut de con
ception neuve, nous citerons : Oleffe, Jefferys,
Roidot, De Sadeleer, ainsi que les français
Vuillard, Marquet. Signac, Bonnard, d’Espa-
gnat, dont la manière est connue depuis long
temps.
Et ainsi nous aurons énuméré exactement
les rares oeuvres de quelque valeur qu'une
recherche attentive permet de découvrir. Tout
le reste n’est que banalité et platitude. Des
peintres qui depuis trente ans refont le même
sempiternel sujet à l’aide du même procédé
adopté une fois pour toutes, exhibent sans
rougir leurs éternelles redites. Nos artistes
anversois se sont surtout fait remarquer par
cette touchante fidélité au genre qui leur valut
l’estime de tous les charcutiers enrichis. C’est
ainsi que nous avons pu admirer à nouveau
les Pêcheurs de crevettes de M. Farasyn, qui
— depuis des dizaines d’années — chevauchent
infatigablement au clair de lune. M. Hens, le
boucher à l’âme débordante de poésie, reste
aussi attaché à la bonne tradition en refusant
de peindre autre chose que des paysages lu
naires, éperdument romantiques. M. Courtens,