136
MARCEL RAYAL
LA NOUVELLE
OUVERT LA NUIT, par Paul Æorand. (Nouvelle Revue Fran
çaise, édit.)
La littérature des voyages ressemble à la vertu des femmes : on
commence par ne plus y croire. Au fait, c’est un grief plausible. La
mégalomanie du paysage, l'empirisme béat des découvertes, l'émer
veillement superstitieux que nous valent un gratte-ciel new-yorkais ou
une ** paillote " nègre n’abusent aujourd’hui que la sensibilité mal
éduquée du primaire. La promenade exotique finit décidément tou
jours par un “ tableau ” comme dans les chasses barbares. C'est qu’il
y a des yeux qui ne savent pas ne pas voir. Leur réceptivité résiste
mal au prestige des apparences nouvelles. Prodigues de leurs richesses
jusqu'à l'impudeur ils dispersent même l’image réelle aux quatre points
cardinaux de l’imagination romanesque. Somme toute une Polynésie
suspecte nous repose de certain Congo trop véritable.
Un couple d'hommes est venu, plus tempérant — cerveaux d'archi
tectes, sincérité de photographes — les Tharaud. Avec le drap rèche
et national de leur documentation, ils confectionnent un pays comme
un complet-veston après en avoir pris les mesures économique, pittores
que, légendaire. Ce que le corps d'une femme est pour un chirurgien. Ces
touristes professionnels, commis-voyageurs de l'Orient morbide, nous