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Réflexions conduisant à préciser la
signification antifasciste du surréalisme
par
PIERRE YOYOTTE
I. — LES CONSEQUENCES PSYCHOLO
GIQUES DU CAPITALISME DANS LES
« CLASSES MOYENNES ».
Pour rendre complètement justice au ca
pitalisme, il est urgent, spécialement en
France, je dirai pourquoi, d’insister, tout
autant sur la misère économique que ce
capitalisme produit, que sur la misère af
fective, autre conséquence de ce régime qui
doit être distinguée, tant dans son processus
qu’en elle-même, de la première.
Le capitalisme a reçu et maintenu la
misère qui fût savamment entretenue et que
lui a léguée le féodalisme chrétien, savoir
la scission de l’affectivité humaine et l’anta
gonisme exaspéré des désirs matériels égoïs
tes (amour sexuel, instinct de suprématie,
etc...) et des sentiments idéaux collectifs
« amours » de horde (famille, patrie) ou
amour évasif (religion, art). Là où le fi
nancier succédait au noble, rien ne devait
changer sur ce point. Partout où une mino
rité a l’avantage pour la satisfaction de ses
désirs, les sentiments sont chargés de mo
dérer les désirs de la majorité des individus.
Pas seulement de la majorité. Les avantages
attachés à la situation d’oppresseur, noble,
ecclésiastique ou bourgeois, ne se conser
vent sous l’œil de la majorité opprimée, qui
est la force, que par leur occultation rela
tive, nécessitant un minimum de contrainte
sur soi. L’hypocrisie, quelquefois consciente
et le plus souvent simplement objective, at
titude toujours humainement dégradante et
pénible, s’impose donc au profiteur de la
plus-value et la répression des désirs par
les sentiments constitue dans la société ca
pitaliste une forme générale et assez équi
tablement répartie de misère affective.
Toutefois, dans les hautes classes, la ri
chesse donne tant de facilités aux désirs
qu’ils passent -généralement outre aux sen
timents et que le conflit s’atténue, pour ne
laisser qu’une hypocrisie légère, presque
consciente et formaliste. Par ailleurs, chez
les prolétaires vraiment sans espoir d’échap
per individuellement au sort de leur classe,
il n’est pas besoin de sentiment, là où la
misère économique suffit pour borner les
désirs, et l’hypocrisie, comme l’avait re
marqué Engels, tend à disparaître. C’est
donc au sein des fameuses et infiniment
actuelles classes moyennes que s’exercent
principalement les ravages de l’antagonisme
affectif entretenu par le capitalisme. Clas
ses moyennes constituées par la presque to
talité des français, exception faite d’une pe
tite minorité en haut et en bas. Pour le pro
létaire comme pour le grand capitaliste, la
situation affective tend à n’être que le reflet
de la situation économique, conformément
à la lettre de l’enseignement de Marx. Mais
au-dessous du grand capital, en deçà d’un
seuil impossible à préciser universellement,
jusque chez ceux qui ne se distinguent du
pur prolétaire que par la possession ou seu
lement l’espérance d’un « petit avoir », la
misère du désir est presque toujours nota
blement supérieure à la misère de l’argent.
Dans la société capitaliste, le processus
de l’élaboration de la misère du désir, en
chaque individu, s’établit au moyen d’un
instrument légué par le féodalisme chré
tien, qui n’est autre que ce brillant usage
caractéristique de la « civilisation » : l’é
ducation familiale. Cet usage, commun à
toutes les classes, tend à n’être que formel
chez les très-riches, inopérant chez les très-
misérables. Ce n’est que récemment qu’a été
révélé par la psychanalyse le degré de raf
finement auquel atteint la famille comme
mécanisme d’oppression du désir. L’attrait
du parent de sexe opposé, la concurrence
du parent de même sexe, la vie commune
favorisent d’abord chez l’enfant, à un très