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A 23 ans il se croit musicien et part pour l’Allemagne.
Il habite Darmstadt et Coblentz où il joue du violon et
apprend l’harmonie. Peu à peu il s’aperçoit de son erreur
et abandonne ce projet. Il visite Munich et Berlin, fait
la connaissance de Ludwig Anzengrüber. Il s’en va.
La rivière clc cassis roule, ignorée, -
A des vaux étranges ;
La voix de cent corbeaux l’accompagne, vraie
Et bonne voix d’anges,
Avec les grands mouvements des sapinaies
Où plusieurs vents plongent. (1)
On poursuit les fleuves. Au bord du Rhin il accompa
gne les colporteurs et couche à la première ferme ren
contrée. Les servantes ne l’oublient pas.
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Mon verre est plein d’un vin trembleur comme une flamme
Ecoutez la chanson lente d’un batelier
Oui raconte avoir vu sous la lune sept femmes
Tordre leurs cheveux verts et longs fusquà leurs pieds (2)
Il pensait à Paris.
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A tous les carrefours les passants s’arrêtent ; ils n’atten
dent rien : la lumière est plus forte. Le jour même de son
arrivée il parcourait la ville : il y avait un fleuve plus
grand que tous les autres ; le courant entraîne les épaves
que l’on ne sait pas quitter des yeux. Il aimait les rues
de Belleville et de Montrouge.
Pour écouter les discussions devant le comptoir et re
garder jouer à la manille il entrait dans les cafés. Les soirs
de printemps il s’asseyait sur un banc des boulevards exté
rieurs. Quelqu’un parfois remarquait cet « étudiant tchè-
{1) Arthur Rimbaud : les Illuminations.
(2) Guillaume Apollinaire : Alcools.