Trois Poèmes
i.
A l'origine, le poète était muet.
Il contemplait, et l’analyse
équilibrait son œuvre et son esprit.
Il ignorait la vie et sa beauté.
Détaillant chaque chose et la reconstruisant,
il n'avait pas un jugement précis,
ni l’ordre nécessaire au créateur.
Le passé comprimait sa gorge, et l’avenir
épouvantait son œil abasourdi.
Un à un, défilaient les.siècles devant lui.
Partout, des cœurs — tels des flambeaux —
l’illuminaient. Il s’arrêtait.
Les ans plissaient son front. Sa main
palpait l’antiquité des livres.
Soudain, il rencontra l’Idée,
et désira ce corps trop pur, trop jeune,
avec l’ardeur printanière
de son sang ; il poursuivit l’Idée
errante, et sut l’action.
Il fourbissait son arme et préparait l’Assaut.
Le public se dressait contre sa course.
Crispant les poings, courbant l'échine,
tendant les muscles, il frappa !
Stoïque, généreux, il endura
la douleur.
Et le calme aplanit son âme ;
il se cloîtra avec l’Idée,
conçut le chant, et proclama sa force.
IL
Car, en moi, la fureur de chanter s’imposant,
je suis l’accordéon que manie un enfant.
Je n’éditerai pas mes larmes et mon sang.
Personne n’a le droit d’y gaspiller son temps.