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L’ŒUF DUR
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Recommandations
L’Homme Traqué, par Francis Carco (A. Michel).
Dans ce roman, la bête en cage tourne en rond sur elle-même. Mais ici
la bête ne représente pas le remords, car le remords porte en soi une compa
raison lucide entre le bien et le mal. Lampieur est livré aux révoltes de son
instinct de conservation. Dans son grand tourment, apparaît l’image déco
rative du châtiment : la guillotine.
C’est, dans l’œuvre de Carco, ce que j’aime. Ses personnages possèdent
la culture morale qu’ils méritent. Ainsi ils deviennent véritablement des
hommes d’exception. Carco a compris en poète la destinée curieuse de ces
étranges personnages qui vont dans la vie comme des aveugles. Lampieur
est un aveugle et la fille est également aveugle. Tous les deux, comme deux
bêtes sans yeux, ruent dans la cage, lèvent la tête et se raccrochent déses
pérément à leur instinct pour sentir les effluves du danger.
Pierre Mac Orlan.
Le Secret professionnel, par Jean Cocteau (Fels chez Stock).
Les rubans, les guirlandes sont la sueur du coureur cycliste. Les roses
naissent sous ses pas, mais il vise le but. Que dire d’un champion qui
mettrait tout son effort à transpirer ? C’est pourtant trop souvent l’ambi
tion des poètes : ils ne veulent pas tant vous déchirer le cœur, vous élever
l’esprit, que le faire joliment ; c’est confondre autour avec alentour. Cocteau
dénonce ces faux tireurs à l’arc qui ne sont que des acteurs déguisés. Les
danseuses qui font des ronds de jambe pour traverser le Rubicon ne
feront pas de bons empereurs. Sa discussion serrée, habile, touche le cœur
noir de la cible. Mais de plus, il est doux de refaire le chemin derrière lui
pour ramasser les roses qui émaillent sa route.
Francis Gérard.
Art Poétique, par Max Jacob (Emile-Paul).
Si j’étais un grand critique sérieux... Mais encore, ces façons nouvelles 1...
Max, qu’il faut admirer, qu’il faut aimer, qu’il faut croire, que veux-tu
du vieux compagnon ? Un grand article sérieux, utile, ou un bouquet de
poète ?... Quelle sottise 1 dira Max, de croire, quand on s’adresse à moi,
que c’est toujours pour me souhaiter bonne fête !
L’Art Poétique de Max Jacob devait être écrit. Annoncé par les œuvres
premières, il n’est pas le résumé de ces œuvres. Max n’écrira jamais rien
de tel. Max qui « enseigne » ici, de la seule façon permise, donne encore
beaucoup à lire entre les lignes. Ouvrons à nouveau ce grand livre du
siècle : Défense de Tartufe. Il contient déjà Y Art Poétique. Le poète se
dirige selon le gouvernement choisi par le mystique en marche vers un exact
catholicisme. Ainsi devient-on classique sans que le classicisme soit postulat
glacé. Mystique, mais prêt à recevoir le baptême, après quoi certains vaga
bondages lui seraient défendus, Max Jacob écrit en son Tartufe : « Me
permettra-t-on l’art qui... » ? Depuis, notre angélique ami, qu’on n’a pas
vu se dépouiller, a su, et ce lui fut une manière d’enrichissement, se sou
mettre aux minutieuses pratiques de la dévotion. Il se peut que ni les
messieurs de Paris ni ces Messieurs de Saint-Benoist-sur-Loire ne voient
en Y Art Poétique un manuel de conversion. Mais, quel merveilleuse mesure 1
Quel subtil (et franc 1) instrument de contrôle !... partant : quelle poésie !
André Salmon.