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J. POREL
LE CABINET NOIR, par Æax Jacob (Bibl. des Marges)
Une nouvelle forme de l'humour. Non pas à la manière
d’Alphonse Allais ou de Tristan Bernard. Ceux-ci, comme leurs
devanciers anglo-normands, Shaw, Wells (le Wells de Polly, de
KippS) restent “ pince-sans-rire ", froids à dessein, distants de l'objet
même qu'ils regardent.
— L'ironie de Max Jacob est enthousiaste — Elle se mêle aux
personnages, épouse leur existence, les orne sans les châtier, “ marche
à fond " en leur faveur.
La moquerie du Cabinet Noir recouvre une grande tendresse, celle
d’un poète, une charité foncière, celle du catholicisme.
— L'humour, d’anglais est devenu français — De cette lecture,
m même temps qu'un enchantement émane une nouveauté aussi bien
l’esprit que de facture.
Dans une lumière exacte apparaît une classe représentative de ce
pays. On y voit s'agiter les bas-fonds bourgeois, tout ce qui sans par
venir jusqu'au grand jour des quotidiens, compose la vaste réserve
d'où sort la célébrité anonyme des fait-divers. On y voit surgir des
personnages énigmatiques et contenus, héros dignes de scandales
provinciaux.
— On y entend des phrases-refrains, reprises un peu partout en
France, qui nous arrivent comme à travers la voix indiscrète et nasil
larde du perroquet, l’animal domestique de la classe moyenne.
Dans une atmosphère de “vin bouché”, de “cigarettes supérieu
res ”, parmi des cages de serins et des pots de géraniums, près des
petites stations de chemins de fer, sur des plages où les châteaux-
forts éphémères voisinent avec l'éternité de l'alpaga, de la toile blanche
et des tentes rayées (le tout suggéré et jamais décrit) apparaissent
des Français jeunes et vieux auxquels on ne peut se méprendre.