JACQUES POREL
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L’EQUIPAGE, par J. KesseL, (éd. de la N. R. F.)
Il y a peu à ajouter au concert d’éloges qui vient d’accueillir le
deuxième roman de M.. Kessel. L’Equipage est un beau livre qui
mérite son grand succès. Il a manqué une importante récompense
d'une façon qui l'a mis plus en évidence que s’il l'avait reçue. Les
articles des grands quotidiens l’ont célébré avec ce sérieux que l'âge
veut bien parfois accorder à la jeunesse — en lui distribuant les
promesses d'usage. M. Kessel s’est trouvé, de ce fait et sans prépa
ration, livré au grand public. Quel usage celui-ci va-t-il faire de lui ?
M. Kessel est à ce point inquiétant, troublant de la destinée littéraire
où l’on cesse d'être uniquement quelqu’un pour soi-même, où l’on
devient quelqu’un pour quelqu'un.
Peut-être est-il encore temps néanmoins dans une jeune revue de
parler d'un écrivain qui est un jeune dans toute l'acception du terme,
avec tout ce qu'il comporte de force, de noblesse, d'imperfection et
d'élan.
M. Kessel a mis la main sur un admirable sujet qui se déroule
dans un cadre où l’auteur a vécu. Il est monté vers lui tout simplement
d'un mouvement continu. Il était impossible de décrire avec plus
d'émotion et d’exactitude cette vie de l’aviation pendant la guerre,
ce qu'il y avait de bougon, d'enfantin et d'héroïque dans cette frater
nité quotidienne. La mort du capitaine Thélis est un des plus beaux
morceaux qu'on puisse lire.
M. Kessel voit grand ce qui pourrait être dangereux, mais il voit
juste ce qui le sauve.
L’Equipage est le type d’une œuvre à la fois romantique et
moderne qui nous autorise à penser qu'on en écrira toujours.
Jacques POREL.