LE CRAROUILLOT
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provisoirement — terminée, mais il nous reste à cons
truire la paix, la paix qui, suivant le mot du président
Poincaré, doit être de vigilance et de création continue.
Sommes-nous vraiment décidés à nous montrer coura
geux ? Les Lorrains sont comme les cygnes, doux et con
fiants, mais prompts à s’irriter des décisions. Puisque,
l’autre nuit, sur les rives de la Moselle, le souvenir me
hantait du séjour que je lis ■—■ voici trente ans — aux
bords mélancoliques du Schwansee, n’etait-ce point qu’il
avait une valeur d enseignement et qu’il signifiait que la
Lorraine avait assez des fêtes, des discours, des fanfares,
que nous devions maintenant lui fournir la preuve de
notre sollicitude ?
Travaillons de tout cœur pour nos frères retrouvés.
Cessons de leur tendre au lieu du pain d’une franche
amitié, les branchages des réjouissances officielles, car
ils s’irriteraient contre nous comme s’irritèrent jadis
contre moi les cygn s du Schwansee.
Maurice BARRÉS.
A la manière de Cami
Mayonnaise et Cinéma
Drame en trois actes.
ACTE P r
Le Directeur-du-cinéma-de-cocagne. — Juste ciel ! mon
opérateur vient de périr glorieusement, frappé par un
éclat de rire ! Comment tourner le spectacle de ce soir ?
Et ma salle qui est bondée de spectateurs ! C’est la ruine !...
Non ! J’ai une idée \ [Il sort.)
Rideau.
ACTE II
Le Directeur-du-cinéma-de-cocagne. — Je viens vous
trouver, restaurateur-du-coin-de-la-rue, pour vous deman
der si votre cuisinière-périodiqueinent-iraseible pour
rait me fabriquer une mayonnaise. •
Le restaurateur - du-coin-de la-rue. — Oui.
Rideau.
ACTE III
La cuisiniere-periodîQUEMENT-jrascible, préparant la
mayonnaise. — Je crois que ma sauce va donner toute
satisfaction au directeur-du-cinéma-de-cocagne !... 11
était temps, car je sens que l’époque approche où je com
mence à voir rouge!...
Le Directeur-du-cinéma-de-cocagne. — Et cette
mayonnaise?
La CUISINIÈRE-PÉRIODIQUEMENT-IRASCIBLE. La Voici...
Ciel!!! Elle tourne!
Le Directeur-du-cinéma-de-cocagne. — C’est ce que
j’attendais! Elle tourne! Elle va donc pouvoir remplacer
l’opérateur! ma recette est sauvée! Voilai
CAMI.
A la manière des <r Débals »
11 y a cent ans
« Journal des Débats »-dn lundi i" 1 ' octobre 1919.
Après la Messe, le Roi s’est rendu en calèche à Argen-
teuil avec M. Guizot. Au retourS. M. a visité la Duchesse
d’Angoulême à l’Elysée-Bourbon. S. A. R. a passé une
bonne nuit.
MADEMOISELLE a bien dormi.
A la manière de Pawlowski
D erni ères 1 nventi ons
11 n’est pas un fervent de la plante à Nicot qui n’ait
rêvé d’être emporté dans les airs avec la fumée de sa
cigarette ou de son cigare. Une invention fort ingénieuse
va permettre aux heureux qui peuvent encore se procu-
rerle paquet de Caporal ou la boîte de Khédive,de réaliser
ce rêve. L'appareil consiste èn-une sorte de combinaison
en caoutchouc formant un sac très mince qui épouse la
forme du corps et qu’on enfile sous ses vêtements. Il est
muni d'un court tuyau dans lequel le fumeur lance la
volute bleue au lieu de la laisser s’envoler vers
le ciel. Le ballon-combinaison se gonfle petit à petit (il
faut avoir soin de porter des vêtements assez amples). On
se sent, graduellement, plus léger, et tout d’un coup...
ITft!... on s’envole.
Ce charmant appareil se fait pour les deux sexes. La
mode prochaine des paniers le rendra plus facilement
adaptable encore à la toilette féminine. Nul doute qu'il
ne devienne bientôt d’un usage courant parmi nos ai
mables péripatéticiennes du boulevard. Et ce sera pour
les flâneurs parisiens un spectacle imprévu et charmant
que de voir, soudainement, de-ci, de-là, se lever la lune
en plein midi.
*
* *
En avons-nous vu passer, ces temps derniers, des chefs
d’Etat, rois, présidents, etc...! Tous, défilant dans leur
landau au milieu d’une foule en délire, saluaient d’un
geste, d'abord assuré, mais que la fatigue, au bout de peu
de temps, rendait plus rare et plus las.
Un philanthrope, élève de Vaucanson, s’est ému de la
souffrance que devait leur causer cette longue répétition
d’un même mouvement. Il a construit à leur usage une
machine ci saluer des plus ingénieuses. Elle se compose
essentiellement d’un bras artificiel mû par un mouve
ment d’horlogerie, et qui est adapté, soit à un manteau
militaire, soit à un pardessus civil, suivant qu’il s’agit
d’un roi ou d’un président de république.
Lorsque le chef d’Etat descend de son sleeping, il
endosse manteau ou pardessus dont il n’enfile que la
manche gauche, dissimulant son bras droit sous le
vêtement. Une fois dans son landau, il pousse un petit
bouton, et... une, deux!... une, deux !... lebras droit pos
tiche fait à la foule en délire les saluts les plus protoco
laires tandis que le triomphateur se la coule douce, et
(sans effort cette fois) garde le sourire.
L’appareil était primitivement destiné aux seuls sou
verains. Mais de simples particuliers affligés d’un trop
grand nombre de relations mondaines ont supplié l’in
génieux inventeur de construire à leur usage un salueur
automatique. Celui-ci aurait accédé à leur désir et l’on
annonce la prochaine mise en vente d’appareils reprodui
sant dans leurs moindres détails le salut de nos dandys
les plus notoires. Chacun pourra bientôt se procurer
ainsi pour une somme relativement modique le Boni de
Castellane, horizontal et large, le Montesquiou, tout en
arabesque, le Marcel Roulenge/-, sobre et distant, Y André
de Fouquières, en moulin à vent, etc..., etc,..
G. de PAWLOWSKI.