ÇA IRA !
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La pitié n'existe pas.
Ceux qui compatiront à vos désastres,
et dont la main pansera vos blessures,
me rappellent ces femmes de bar,
cachant leurs vices et leurs corps volup-
sous les fards. [tueux,
Pas d'amour, pas de haine.
De la monnaie.
Elles sucent le sang
qu'on paie ;
elles riront, si vous calmez leur soif
et vous verrez surgir [d'argent,
sous les traits repoussants de la prostituée
les masses intéressées de vos voisins.
N’allez pas croire
que je méprise vos efforts ;
je vous connais, mes frères ;
je sais l'horreur de votre hypocrisie,
et je suis froid
à vos élans stériles vers le bien.
Devenez purs.
prenez exemple au bon Samaritain,
et, lors, allez vers les agonisants
porter la vie.
Vous en riez ?
J’en ris aussi.
Je veux que le silence étouffe mes
et que la nuit [alarmes,
majestueuse et pacifique,
sèche les pleurs
dont mon cœur
déborde.
Vous viendrez, cependant, frapper à ma
quand la tempête aura passé, [chaurnine
et que vos blés
seront fauchés.
Donc, je suis triste.
Demain, tu berceras mon idéal,
et tes cheveux, tes yeux, ta bouche,
écarteront cette tristesse.
Tu comprendras.
Je pleure tant et on ne l'entend pas.
IL
Un voile couvre
la fenêtre par où mon cœur est éclairé.
J'ai vu ; je ne vois plus ; je tàte, dans
[l’abîme
des nuits tendues sur moi comme un
sans retrouver la route [cachot,
où mes vingt ans sifflaient joyeusement.
Je ne me souviens pas, en cette heure,
d'avoir jamais senti le soleil
sur ma peau ;
la fièvre gagne mon cerveau
qui ne sait point,
depuis ce cataclysme,
se figurer l'ardeur des jours passés.
Dans l'abîme des nuits,
où ma marche profane la paix des morts,
où je conçois l’exil de mes enthousias-
je tâte en vain, [mes,
puisque mes yeux sont las
de sonder l’invisible et de fouiller
la peur terrasse mes essors. [l’espace.
La nuit me dompte,
et la révolte gronde
en moi, comme la mer cassant les esta-
quand. déliée, [cades,
elle projette l’eau bouillante de ses
sans se lasser, [nappes,
malgré les rocs, malgré les barques
vers les môles tordus,
tels des chevaux soûlés de poudre et
mordent les bataillons [de carnage,
dans le combat.
Je serai libre.
Je percerai l'ombre.
J'ouvrirai ma fenêtre vers la clarté,
car vivre est ma devise,
selon l'esprit dont je suis mù.