Volltext: Intervention surréaliste (1)

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mît, elle implore. Elle regrette son passé et 
commence à comprendre que la stabilisation 
dont le rythme va s’accélérant sans cesse. 
Au cours des années « 20 » la vieille saleté 
s’était vue repeinte à neuf. Française donc 
née maline (puisque le français né malin 
inventa le vaudeville) la forcenée n’avait 
que mépris pour la très classique danse sur 
le non moins classique volcan. Abritée der 
rière des monceaux d’affiquets et de bimbe 
loteries, elle jouait aux arts décoratifs. En 
bordure de Seine, avec des vieux torchis, 
elle s’essayait à créer un style nouveau. La 
ministère des fliqueries étrangères, les In 
valides, leur caserne, leur musée de la gran 
de vacherie, le très pieux quartier du Gros 
Caillou en fait et en symbole, limitaient le 
marais offert aux moustiques de l’esthétis 
me sur la bourbe de cartons-pâtes, sur des 
tarabiscotages par trop paludéens la pointol- 
le avait répandu en photogéniques — mais 
aussi vains que photogéniques — flots d’ocre 
une teinture d’iode préventive. Aujourd’hui, 
elle n’en pourrit pas moins bel et bien, elle 
qui n’a su construire que des hostelleries, 
des casinos, des villas, des palaces, des palais 
faits vraiment de boue et de crachat. Mais 
(toujours la dialectique de la putréfaction) 
à cette heure, la voici toute à des petits tra 
vaux d’agrément sur acier trempé. Elle se 
sait condamnée. Nouvelle mère Ubu, avant 
de crever, elle voudrait, par la faim, par le 
fer et par le feu, tuer tout le monde, le 
monde qui n’en peut plus, qui n’en veut 
plus. 
Les mâles de la pointolle, les coffres-forts 
â deux pattes jouissent de leur reste. Ils 
jouissent avec accompagnement de Marseil 
laise. Un hymne national, il leur faut un 
hymne national pour se justifier, se donner 
du cœur au ventre, aller, venir, glapir, éruc 
ter, menacer, provoquer assassiner. Entre 
deux décrets-lois, l’opinion publique est 
priée de s’attendrir sur la bibliothèque de 
Tournefeuille de rose. Et surtout, prière de 
ne pas oublier les succès de Tar 
dieu, au Concours général, du temps 
qu’il n’était qu’un pucelet de petit 
requin. Tout autant que les exploits de 
leur flicaille, tout autant que les matraqua 
ges et les fusillades, tout autant que les der 
nières créations des marchands de canons et 
de gaz asphyxiants, nos squales ministériels 
apprécient le miel de l’Hymette, la culture 
classique et les fleurs de rhétorique. Alors 
vite, vite En robe des champs. M. Delteil, 
M. Delteil soi-même, M. Delteil soudain res 
suscité vous convie à descendre au salon 
dans vos plus agrestes atours, putains des 
lettres françaises. Ecoutez-le, vous réussirez. 
Il a su charmer les maquerelles du Prix 
Fémina Vie Heureuse. Vie heureuse, bon 
heur de vivre, Encore un instant de bonheur. 
C’est M. de Montherlant qui soupire, c’est 
M. de Montherlant qui fait sa Dubarry, 
après avoir troqué sa robe des champs de 
bataille contre une robe des champs maro 
cains, algériens, tunisiens. Entre l’ossuaire 
de Douaumont et l’Afrique de Lyautey, ses 
bucoliques gambades l’ont conduit à l’Ecole 
de guerre. Il y a fait halte pour un bijou de 
conférence aux professionnels de la tuerie. 
La France officielle tient à lui rendre sa 
politesse. On organise une grande séance â 
la Sorbonne. L’impéralisme se doit bien de 
couronner son chantre. Nous voici revenus 
au bon vieux temps du Paradis à Vombrc 
des épées. 
Pour sa robe des champs, M. Delteil, lui, 
a dépecé son œuvre. Cousus de fil blanc, les 
bouts et morceaux de l’Arlequinade marient, 
dans une crasseuse harmonie, le francisme 
ordurier et la bondieuserie fanfaronne. Dès 
leurs titres et par leurs seuls titres, ils nous 
édifient ces bouquins dont l’auteur tira tout 
ce bric et ce brac. Je cite au hasard : Le 
petit Jésus, Saint-François d 9 Assise, Les poi 
lus, Jeanne d 9 Arc, le Vert Galant. Sans con 
teste, pareille anthologie ne peut que deve 
nir (et au plus vite!) le livre de chevet du 
colonel de la Rocque. Et d’ailleurs, dans un 
petit préchi-précha préliminaire, l’éditeur, 
moraliste de M. Delteil vante ce temps où 
les notions de bonne foi, de naturel et de 
santé retrouvent place et honneur en France. 
Voilà déjà tout un programme, le program 
me de la maison Grasset et d’autres grosses 
maisons d’édition, vieilles ou jeunes firmes 
bien pensantes, bien françaises et surtout 
bien capitalistes. Dès octobre dernier, dans 
l’immonde 1934 qui n’était encore qu’un ré 
pugnant petit 1933, M. Paul Morand sur l’au 
tel St-Sulpicien des Plons-Nourrit, abjurait 
la turlupinade pour se convertir à la nécro 
philie. Avec le zèle du néophyte, il récla 
mait des « cadavres propres ». La propreté 
n’était, sans doute, qu’une dernière conces 
sion à l’anglomanie. Il voulait des cadavres.
	        
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