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peut lui rendre difficile de percer avec autant
éclat chez les uns et les autres ; elle ne l’empê-
chera jamais de s'exprimer. Mais condamnons
là mode, sans appel.
Frank van den Wijngeart, tu sacrifies à la
mode. Tu t'efforces à l’expressionnisme, tu
penses que ces procédés rendront exactement
la plasticité de ton verbe, tu lances des mots,
comme un peintre sans scrupule jette un peu
plus de couleur sur sa toile, tu cries, même, et
tu es persuadé d’avoir œuvré selon ton
tempérament. Tu te trompes. Tu as in
consciemment répété les maîtres, Je sais,
cependant, que ta conscience s'éveillera. Je te
connais. Ta conscience s’élèvera contre cet
étouffement de ta vie. Ce jour là, tes poèmes
sonneront purs et pleins. Ce jour là, nous
t’acclamerons avec enthousiasme. Aujourd’hui,
nous lisons ton premier livre avec plaisir. Nous
notons ton talent. Nous te retrouvons vague
ment à chaque page. Tu chantes haut. Tes
rêves ont d’énormes proportions, Tu as soif
de bonté, de justice et d’égalité. Tu es sincère,
mais tu adoptes le goût de l’époque, et je crains
que ta sincérité restera sans écho. Travaillons
van den Wijngaert, L’avenir te sourit. Les
terres merveilleuses appartiennent aux explo
rateurs intrépides. Nous te remercions, toute
fois. de ton livre, que Joris Minne a illustré
avec compréhension. C'est un début honnête,
qui annonce une riche moisson future.
W. K.
*
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The horror on the Rhine par E. D. Morel
{Londres — The Union for Démocratie Con-
trol, août 1920).
L’on sait qu’après avoir été l'infatigable
défenseur des populations nègres de l'Afrique
Centrale, après avoir flétri d’inoubliable façon
le roi-marchand Léopold II et ses méthodes de
colonisation, notre grand camarade E. D. Morel
continue à mettre son esprit clair et lucide et
sa haute probité morale au service de la cause
d’humanité et de justice, montrant dévoilant la
vérité abominablement triste que d'aucuns ,
s’efforcent de cacher aux hommes de bonne
volonté, que d'autres s’obstinent à vouloir
toujours ignorer. -
1
Il y a quelque temps déjà qu’à Londres il
fonda la “ Union for Démocratie Control , r
institution révnissant les hommes d’élite restés
honnêtes et dont le but est de dévoiler les
louches agissements de la diplomatie secrète,
de publier chaque fois qu'il sera possible les
“ traités secrets „, qui ont de tous temps été
cause d'un nombre infini de guerres sanglantes,
Quiconque veut être tenu au courant de la
réelle situation en Allemagne occupée, doit
lire le pamphlet que Morel vient de publier. -,
Plagiant Multatuli, je voudrais qu’il fût traduit
en toutes les langues, et que dans toutes les
villes du monde ou chantât des couplets dont
le refrain commincerait : “ Entre les Pyrénées
et l’Escaut, un vaste repaire de bandits....
Ce qui surtout frappe dans cette brochure,
c’est l’absence de toute recherche d’effet, de
tout sentimentalisme. La prose de Morel est
implacable et sèche, documentée comme un
rapport ; et le martyre des populations d’Alle
magne occupée y est tracé d’une façon brutale,
mais qu’on sent frémissant de triste vérité ! Ces
pauvres gens, exténués par cinq années de pri
vations sans nombre, ont à supporter le pire
des jougs : l’occupation de leur pays par des
nègres d’Afrique, cause de viols et de crimes
innombrables.
Et que l'attitude de Morel, qui ne se laisse
jamais aveugler par une neurasthénie guerrière
ou patriotique, lui ait causé de graves ennuis,
n’a rien qui doive étonner. Mais ce qui, à ce
que j’imagine doit lui faire le plus de peine, c’est
de se voir attaqué aujourd’hui par quelques jour
nalistes nègres d’Amérique, lui qui a consacr?
les plus belles années de sa vie à défendre la