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sur la propriété privée. Il est donc indispensable d’avoir recours
à d’autres mesures pour permettre aux pouvoirs publics d’exercer
une action efficace sur l’extension des villes. Le conflit qui tenait
sans cesse entre les autorités urbaines et la propriété privée, et qui
compromet trop souvent l’exécution de plans rationnels, peut
être apaisé par la transformation progressive de la propriété
privée en propriété publique, par l’acquisition méthodique par
les autorités municipales de terrain à bâtir aux abords des villes.
De cette façon sont supprimées les difficultés qui naissent dès
l’instant où l’on veut imposer des restrictions trop nombreuses à
l’exercice du droit de propriété; toute liberté est laissée à la col
lectivité de fixer la date de l’utilisation des terrains et de déter
miner l’usage qui doit en être fait.
La tâche essentielle de l’urbanisme consiste en définitive aujour
d’hui à rendre aux organes de l’autorité publique, dans les ré
gions où se forment de grandes agglomérations urbaines, les pou
voirs qu’ils ont possédé autrefois - à une époque où ils étaient
peut-être moins nécessaires qu’aujourd’hui —sur la propriété fon
cière. En définitive, l’obstacle mis au développement des villes
par la propriété ne tient pas au fait qu’elle est privée; il résulte
de son caractère individuel. Une société privée qui grouperait les
intérêts de tous les propriétaires fonciers d’une région urbaine,
et qui aurait des vues d’ensemble, n’aurait pas d’autre objectif
qu’une administration publique. Elle devrait envisager tous les
problèmes sous l’angle de l’intérêt général de son groupe. Mal
heureusement de semblables sociétés n’existent pas dans nos pays,
ou du moins quand elles existent sous le nom de d’union de pro
priétaires ou d’associations d’intérêts immobiliers, elles se bor
nent à accumuler de multiples revendications particulières et
perdent de vue les intérêts primordiaux de leur corporation.
La collectivité est donc obligée de fixer elle-même les principes
selon lesquels doivent être établis les nouveaux quartiers. De
toutes les tâches qui lui incombent, celle de régler le développe
ment des villes est la moins susceptible d’être remise à des insti
tutions privées, car elle doit être accomplie par des organes en
tièrement étrangers à la recherche d’un profit individuel.
Dr. Camille Martin, F. A. S.