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ÇA IRA !
de la guerre les pires privations, ce
peuple ne se voit-il pas réduit encore à
une pauvreté sans bornes ? De faux
socialistes — mauvais bergers — se
sont mis à sa tête et veulent le conduire,
lentement et sûrement, vers un nouveau
triomphe de l'oppression et l'établisse
ment, définitif peut-être, de la domina
tion bourgeoise.
Mais d'aucuns ont veillé : la Vérité
ne s'enterre pas ainsi ! C'est en vain
qu'on assassina les hommes les plus
noblement désintéressés ; c’est en vain
que, tour à tour, tous ces grands amis
de l’Humanité furent lâchement égorgés.
Liebknecht, Eisner, Haase, Landauer....
tous immolés pour assurer la ruine de
la Révolution Sociale !
Ç’aura été en vain, pourtant, car
toujours il en restera, de ces cœurs
nobles, (une tête coupée en fait renaître
mille) et c’est, Messieurs les Socialistes
Réactionnaires, ce qui fait votre déses
poir impuissant et votre sourde colère.
Et déjà vous serez aux ordures depuis
longtemps et oubliés quand resplendira
la gloire de ceux qui ont voulu tout
sacrifier, tout, jusqu’à leur vie, tout,
pour sauver l’Humanité croupissant
encore dans la barbarie....
Le Grand Jour est proche, frères
d’Occident, camarades du monde
entier, notre grande sœur, la “ Sainte
Russie „ a donné le signal de l’avène
ment d’un ordre social nouveau. C'est
le peuple le moins cultivé d'Europe qui
le premier a sonné les cloches. Et
d’autres suivent, d'autres suivront....
Adeste, fideles, laeti, triumphantes ! A
l’Est, le ciel se colore de rouge : le jour
va poindre. Le règne de la Nuit est
clos ,* c’est l'ère de Lumière qui va
commencer.
Nico BUNT.
Elégies
i.
Tu es allée seule vers l'obscurité,
ne voulant pas l'appui de ma présence.
Maintenant que la porte est fermée,
et que ton pas est seul à résonner
au loin,
je ne peux plus me résister,
et ma gorge est ardente, et je souffre,
et je pleure tant,
et j’ai plus mal encore,
parce que je pleure tant et qu'on ne
Ma douleur est unique ; [l’entend pas.
d’autres s’en gausseraient, sans doute,
et jè souhaite le silence de la nuit
pour que mes pleurs soient miens jalou-
et que le mal s'apaise [sement,
dans l’abandon.
D’ailleurs, les pleurs sont vains,
les pleurs sont lâches ,*
les pleurs,
dont ma douleur
use mon cœur,
me leurrent,
et je suis fou
de tout souffrir, de tout aimer, de tout
si la révolte de mes sens, [haïr,
et si mon âme — car j’en ai une 1 —
font rire le prochain. [anéantie,
Que m’importent les cris de désespoir,
le choc des foules,
les soirs lugubres qui entourent ma de-
lorsque je ris, [meure,
et que je n'ai plus mal ?