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l’unité humaine. Comme tel il est la base
d’un culte de l’homme, le signe d'une
tendance générale humaine vers la joie
et le bonheur, la reconnaissance de
l'amour comme étant la force vitale de
l'humanité. Mais en même temps le
communisme est une lutte sans merci,
contre les forces qui empêchent l'unifi
cation de l’humanité : la bourgeoisie et
tous ceux auxquels le bandeau de l'idé
ologie bourgeoise obture encore les
yeux. Avant que l'unité humaine puisse
être réalisée éclatera encore une fois
toute l'amertune de la haine de l’homme
contre l’homme, d’une classe contre une
autre classe, comme l’âpre froid pique
et écorche le plus aigrementpeu avant que
le soleil réchauffe généreusement la terre.
Le prolétariat ne peut échapper à
cette contradiction entre le but et les
moyens, entre l’être du communisme
comme idéal et ses formes de combat,
c'est â dire entre son aspect d’Eglise
triomphante et d’Eglise militante. Si dès
le début le communisme porta en lui
cette contradiction, elle ne devint toute
fois brûlante que lors de l’éclosion de la
Révolution Universelle. Et elle ne
pourra être résolue avant que la révo
lution ait accompli son cours triomphant
sur la terre.
Cela signifie-t-il que la masse souffran
te et combattante devra attendre la
nouvelle beauté après laquelle elle sou
pire, jusqu’à ce que ce long chemin soit
parcouru? Que le prolétariat devra
rester muet durant tout ce temps et que
le bonheur de recréer ses immenses
efforts en harmonie idéale lui sera refusé?
Non : cela signifie seulement que l’art
du communisme militant représentera
non pas la multiple harmonie encore à
naître, mais bien, en formes idéales, cette
contradiction intérieure vraiement tragi
que, afin que le pathos de cette repré
sentation élève la masse au dessus de ce
que la vie a de blessant et de tourmen
tant, au dessus de la douleur et de l’im- >
pureté de la vie quotidienne. Comme la
lutte révolutionnaire, par les sacrifices
illimités qu’elle exige, les désirs infinis
qu’elle éveille, les flots inouis d'amour
et de haine qu’elle soulève, purifie le
le prolétariat de la lâcheté et de l’égo-
isme de la mesquinerie bourgeoise et de
toute défaillance, cette lutte réveillera
dans le prolétariat l’aspiration à la réno
vation de la douleur, des passions et des
désirs par la beauté. Le créateur de l'ère
nouvelle sentira la nécessité d'être haussé
au-dessus de sa propre activité. Il sentira
la nécessité de calmer son cœur brûlant
tout â la fois d’amour et de haine, d'adou
cir la douleur torturante qui le harcèle
par le spectacle de ses forces et de ses
actions poussées au sublime. Il désirera
ardemment vivre encore une fois la sau
vage grandeur de ces temps purifiés par
le souffle de la beauté et participer,
dans cette revivance à la partie la plus
noble de l’âme commune ; se confondre
avec l’Image, l’Idée du Prolétariat
Universel. L’effort social et l'élévation
intellectuelle, la conscience des pouvoirs
infinis de l’homme et de la sainteté de
la vie, le besoin d'une purification et
d’une régénération par l'art : voilà les
forces qui au temps de la révolution pro
létarienne renouvelleront l’art drama
tique.
Pour que ces forces puissent se dé
ployer il faut un commencement de
victoire. Cell-ci seule garantit l'indépen
dance intellectuelle et donne des loisirs,