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pour l’un ou l’autre est une question de
tempérament. (Bien entendu pour les
intellectuels — car pour les autres c’est
une question de Sénifice : quel état
social me rapportera-t-il le plus ?)
Le communisme n'implique pas chez
tous ceux qui se disent ses adhérents
l’acceptation sans réserves des théories
marxistes. Celles-ci ont — certainement
— avec leur part d’aperçus valables
encore, une part d’affirmations pure
ment théoriques, ne tenant aucun
compte des réalités essentielles et qui
s’effondrent au contact de ces dernières.
Faire siennes, aveuglement, comme un
évangile, les apophtegmes de Marx,
n’est pas une preuve de jugement libre,
et vouloir en faire, de force, les seules
bases d’un nouvel ordre social, mène à
accumuler des fautes qu’un examen
rationnel, tenant compte de ce qui dans
l’homme et dans la société n'est pas
muable, aurait peut-être pu prévenir.
Et si l’on nous fait remarquer que
nous n’avons pas le droit, faisant montre
de semblables idées, de nous dire
communistes, nous répondrons que le
nom ne nous importe guère et que nous
ne nous en couvrons que parce qu’il
nous semble résumer assez bien l’idée
fondamentale qui devra régir la société
à venir.
Nous croyons être en état de conce
voir les phénomènes éternels qui dans
un nouvel ordre social, subsisteront, et
ceux qui plus spécialement sont le
produit d’une époque et par conséquent
n’ont nulle raison de sourire à celle-ci.
Et comme cela ne change en rien notre
conviction de l'imminence de la
Révolution, nous continuerons à nous
dire communistes.
Aujourd’hui plus personne ne reste
indifférent devant l’idée de la révolu
tion. La masse ouvrière espère d’elle
de profondes modifications dans ses
conditions de vie ; le bloc amorphe et
flasque de la bourgoisie rassemble ses
dernières forces pour la sauvegarde de
ses avantages menacés ; les intellectuels
discutent âprement leur attitude devant
le problème social.
Cette discussion met au jour les
multiples et contradictoires courants
qui se partagent le monde de la pensée.
Nous venons de le dire : se décider
pour ou contre la révolution est surtout
une question de tempérament. Cela
n’implique aucun mépris pour la raison
humaine. On le comprendra aisément
après cette comparaision : chez l’homme
religieux c’est le sentiment religieux qui
met l’empreinte particulière à ses rai
sonnements ; et nous ne songerons
jamais à rechercher ceux-ci, là où nous
supposons que le sentiment fait défaut.
Mais dans le cas qui nous occupe la
complexité du sentiment est bien plus
grande et produit les nombreuses
nuances devant lesquelles nous nous
trouvons : depuis la négation de tout
intérêt devant le problème social, l’apo
logie des institutions “traditionnelles,, ;
le réformisme socialiste, jusqu'au dilet
tantisme révolutionnaire et l’accueil
enthousiaste du communisme de
Moscou.
Et chacune des nuances du sentiment
social se cristallise en théorie, se pro
clame la seule vraie, et prononce
l’anathème sur toutes les autres. Nous
ne retiendrons que celles qui font
montre de compréhension quant aux
exigences de l’heure présente.